Le Comité pour la Protection des Journalistes

Le 16 mai, 2005

Au Président Faure Gnassingbé
S/c Ambassade de la République du Togo
2208 Massachusetts Avenue, NW
Washington D.C. 20008
Via facsimile: (202) 232-3190

Excellence :

Le Comité pour la Protection des Journalistes est grandement préoccupé par le maintien des mesures de censure décidées par le gouvernement et les attaques contre la presse privée depuis l’élection présidentielle du 24 avril dernier, à l’issue de laquelle vous avez été déclaré vainqueur. Des journalistes sur place ont informé le CPJ de la suspension de plusieurs lignes de téléphone ainsi que des perturbations constatées dans l’accès au réseau Internet, rendant ainsi difficile la communication avec le reste du monde pour informer de ce qui se passe.

Au moins trois stations de radio de la capitale, Lomé, ont été fermées par les autorités, une quatrième a vu ses émetteurs brouillés alors que deux autres ont été pillées et incendiées lors des émeutes ayant suivi l’élection. Par ailleurs, la retransmission sur la bande FM de Radio France Internationale a été interrompue au lendemain de la présidentielle, et n’a jamais été rétablie, ont confirmé des sources à RFI.
Selon des sources du CPJ, la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC), a décidé de la suspension de Radio Maria, une station catholique basée à Lomé ainsi que de Radio Nostalgie, une radio privée, pour une période d’un mois, à compter du 25 avril.

Les mesures de suspension ont été justifiées par la diffusion d’une information selon laquelle le gouvernement aurait imposé un couvre-feu sur l’ensemble de la ville de Lomé. Faustin Yigbe, le directeur de Radio Maria, a confié au CPJ qu’il a ultérieurement rectifié cette nouvelle à l’antenne, précisant que la station avait reçu une information erronée. Lors d’une conférence de presse, consécutive à la décision de fermeture, le ministre de la Communication, Pitang Tchalla, a invoqué les risques de panique que pouvait engendrer l’annonce d’un couvre-feu, selon Yigbe.

La HAAC a aussi suspendu Kanal FM, basée à Lomé, pour une durée d’un mois, à compter du 20 avril, après la diffusion par la station d’un éditorial qui critiquait sévèrement la manière dont votre parti, le RPT, menait sa campagne. La HAAC avait qualifié cet éditorial de « tendancieux, diffamatoire et injurieux ».
La radio privée, Nana FM, également basée à Lomé, a arrêté ses émissions le 26 avril après avoir reçu des menaces, selon des sources à la station. Lorsque Nana FM a repris ses émissions, c’était pour constater que son signal était brouillé. Peter Dogbe, le directeur de la radio, a déclaré au CPJ qu’il a, de manière formelle, introduit une plainte devant l’autorité de régulation des télécommunications du Togo, et que celle-ci a ouvert une enquête sur l’origine des interférences.

Le 25 avril, Radio Lumière, basée dans la ville côtière d’Aného (sud), était pillée et incendiée lors de violentes émeutes. Le même jour, Radio la Paix, basée dans la localité d’Atakpamé (centre), était aussi pillée et incendiée. Le CPJ n’a pas pu confirmer les responsables de ses attaques, qui méritent des enquêtes approfondies. Le CPJ demande à Votre Excellence de veiller à ce que leurs auteurs soient traduits en justice.

De plus, le CPJ est consterné par les déclarations publiques faites par des membres de votre gouvernement, dont le ministre des Affaires étrangères, Kokou Tozoun, qui a accusé la presse étrangère d’être responsable de la violence post-électorale meurtrière. Plusieurs journalistes étrangers qui étaient au Togo pour couvrir l’élection et la période qui l’a suivie, ont affirmé au CPJ que la déclaration du ministre constituait une menace pour leur sécurité.

Le CPJ demande avec insistance à Votre Excellence de prendre toutes les mesures nécessaires afin que la suspension qui frappe Radio Maria, Radio Nostalgie et Kanal FM soit levée, et que toutes les stations de radio au Togo aient la liberté de couvrir et de commenter les évènements, sans crainte de représailles gouvernementales.

En tant qu’organisation mue par la défense des droits de nos confrères et consoeurs à travers le monde, le CPJ en appelle à vous, Excellence, pour que vous preniez publiquement l’engagement de garantir la liberté de la presse au Togo. Les journalistes ont le droit d’informer sur tous les problèmes d’intérêt public, et plus particulièrement pendant cette phase cruciale de transition politique.

Nous vous remercions, Excellence, de l’urgente attention que vous voudrez bien porter à ces questions, et restons dans l’attente de la suite que vous voudrez donner à la présente.

Sincères salutations,


Ann Cooper
Directrice Exécutive