Au Burundi, une émission de radio populaire suspendue

New York, le 27 avril 2011–Au Burundi, l’organe de régulation des médias a suspendu lundi dernier une émission de radio populaire en raison d’accusations prétendument portées par un auditeur contre le président de la République, selon des médias et des journalistes locaux.

Les 15 membres du Conseil national de la Communication (CNC), qui sont tous nommés par président, ont ordonné la suspension de « Kabizi », une émission matinale d’actualité à la principale station de radio indépendante du Burundi, Radio Publique Africaine (RPA), pour une durée de quatre jours à partir de lundi, selon des médias locaux. Cette émission en langue kirundi ouvre les antennes de cette station aux auditeurs chaque matin du lundi au vendredi avec un invité qui répond en direct aux questions posées par téléphone, a dit au CPJ Eric Manirakiza, rédacteur en chef de ladite station et également animateur de l’émission.

Dans un communiqué, dont une copie a été obtenue par le CPJ, le CNC a indiqué que la station a été suspendue en raison de « graves accusations contre le chef de l’État » portées par un auditeur lors de l’émission Kabizi le 21 avril courant. Selon M. Manirakiza, un auditeur a déclaré sur les ondes de la station avoir combattu avec le président Pierre Nkurunziza pendant la guerre civile au Burundi. Cet auditeur a aussi souligné avoir vu le président Nkurunziza tuer un bébé. L’animateur, M. Manirakiza, a alors immédiatement interrompu l’auditeur et l’a exhorté à porter ces allégations sur la guerre civile à la Commission Vérité et Réconciliation du Burundi, selon des journalistes locaux.

«Suspendre une émission radio pour les propos d’un auditeur en direct sur les ondes est de nature punitive et cette mesure doit être levée immédiatement », a déclaré le coordonnateur du plaidoyer pour l’Afrique du CPJ, Mohamed Keita. «L’animateur de l’émission a pourtant bien réagi en interrompant l’auditeur. Cette affaire suscite donc des interrogations sur ce qui a motivé la CNC à sanctionner la RPA, qui a déjà été harcelée pour sa couverture indépendante de l’actualité politique », a-t-il martelé.

Cette sanction fait partie d’un cycle continu de harcèlement de la RPA par le gouvernement burundais pour sa couverture indépendante des sujets sensibles comme les assassinats politiques continus non élucidés dans ce pays. Dans un communiqué du gouvernement le 11 mars dernier, le conseil des ministres a exhorté les autorités compétentes du pays à « mettre fin à la dérive de la RPA » et condamné la station pour avoir diffusé ce que le conseil a qualifié de « propos outrageants contre le chef de l’État » les 8 et 9 mars dernier. Selon l’animateur M. Manirakiza, Alexis Sinduhije, un leader de l’opposition, par ailleurs journaliste lauréat du Prix international du CPJ pour la liberté de la presse et fondateur de la RPA, avait critiqué le silence public du président sur une vague d’assassinats politiques non élucidés.

M. Nkurunziza était candidat à sa réélection sans opposition lors des élections présidentielles de mai 2010 au Burundi et sa coalition au pouvoir avait raflé les élections législatives et locales après que les principaux partis d’opposition ont boycotté  le scrutin sur des allégations d’arrestations de leurs membres et de répression violente, selon des médias. Des membres de l’opposition, y compris ceux de l’ancien groupe rebelle des FNL, sont entrés dans la clandestinité sur fond de tensions politiques et une vague d’assassinats politiques non résolus qui menacent un accord de paix fragile signé après une douzaine d’années de guerre civile qui a détruit le pays.

Dans une autre affaire, Faustin Ndikumana, responsable des transports de la RPA, a été libéré le 13 avril courant après avoir passé sept mois en prison sous de fausses accusations d’atteinte à la sureté de l’État et de distribution d’armes, selon des médias.