Des journalistes gabonais convoqués par la police

New York, le 20 mars 2012–Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) appelle les autorités gabonaises à mettre fin aux poursuites judiciaires contre six journalistes pour des articles ayant soulevé des interrogations au sujet de l’utilisation d’un avion présidentiel par le chef de cabinet du président Ali Bongo Ondimba. Suite à  des convocations par la police pour un interrogatoire, deux de ces journalistes avaient quitté le pays, craignant d’être arrêtés.

En début mars courant, la police dans la capitale gabonaise, Libreville, a émis des convocations à Pierre Bitéghé, Désiré Ename,  Maximin Mezui, Jean de Dieu Ndoutoume-Eyi, Blaise Mengue Menna, respectivement directeurs de publication des journaux  Le Mbandja, Echos du Nord,  La Une, Edzombolo, et La Nation, selon des journalistes locaux. L’ancien journaliste et militant écologique Marc Ona Essangui a également reçu une convocation.

Ces convocations ont été fondées sur des articles soulevant des interrogations sur l’utilisation par Maixent Accrombessi, chef de cabinet du président de la république gabonaise, d’un avion présidentiel pour un voyage non officiel au Bénin en novembre 2011, selon les recherches du CPJ. M. Accrombessi a été brièvement détenu le 11 novembre 2011 à l’aéroport international de Cotonou, la capitale du Bénin, suite à un contrôle de sécurité, selon des médias  internationaux. Le journal indépendant béninois Le Béninois Libéré a rapporté que de la drogue, des sommes d’argent et des femmes ont été trouvées à bord de l’avion, citant des sources aéroportuaires et sécuritaires, selon des interviews du CPJ avec des journalistes locaux. Dans un communiqué de presse, le gouvernement du Bénin a qualifié ces allégations de « fausses et diffamatoires» et présenté des excuses  officielles au Gabon. L’organe public de régulation des médias du Bénin a par la suite suspendu Le Béninois Libéré et interdit son éditeur Aboubacar Takou et son directeur de publication Eric Tchakpè de pratiquer le journalisme, selon des médias.

Tandis que d’autres médias gabonais se sont limités à rapporter l’incident et les excuses officielles du Gabon, les cinq journaux privés mis en cause ont soulevé des interrogations sur les allégations, selon des journalistes locaux.

« Les journalistes ont traite un sujet d’intérêt public en soulevant des interrogations toutes à fait légitimes sur une information que le gouvernement gabonais n’a pas officiellement démenti. Il n’y a aucune raison pour que les autorités les interrogent», a déclaré Mohamed Keita, coordonnateur du Plaidoyer pour l’Afrique du CPJ. « Nous appelons les autorités gabonaises à abandonner toutes les poursuites judiciaires contre ces journalistes », a-t-il martelé.

Seuls deux des six journalistes, MM. Biteghe et Essangui, ont répondu à la convocation de la police, ont-ils dit au CPJ. Au cours d’un interrogatoire de trois heures le 1er mars courant, la police a exigé de savoir pourquoi M. Biteghe a publié un article sur les allégations. M. Essangui, également militant écologiste, a été interrogé pendant 45 minutes le 13 mars courant pour avoir disséminé par email l’article du journal béninois sur les allégations. Cependant, MM. Ndoutoume-Eyi et Mezui n’ont pas répondu à la convocation de la police, ont-ils dit au CPJ. Quant aux deux autres directeurs de publication, MM. Ename et Menna, ils ont fui le pays, craignant d’être arrêtés, selon des journalistes locaux.

Aucun de ces journalistes n’a été inculpé. Toutefois, ils pourraient écoper de peines d’emprisonnement si le procureur de la République, Sidonie Flore Ouwe, autorise des poursuites telles que la diffamation ou l’outrage à la République, selon des journalistes locaux.