Au Mali, un politicien agresse un journaliste pour son reportage sur des élections

New York, le 31 juillet 2007—Quelques jours après avoir été attaqué et menacé par un élu parlementaire, un reporter du sud du Mali a déposé une plainte au tribunal local.

Le 23 juillet dernier, Mamadou Sinayoko, politicien local, a agressé le reporter Adama Coulibaly, animateur à la station communautaire Radio Kafo-Kan dans la ville de Bougouni, situé à 743 km au sud de Bamako. Sinayoko a frappé Coulibaly dans les côtes à coups de pied, le renversant de sa chaise, a déclaré le directeur de la Radio Kafo-Kan, Seydou Koné. Coulibaly n’a pas été gravement blessé, mais s’est plaint de douleurs après l’agression, a affirmé Koné.

« L’agression d’un journaliste par un homme politique est scandaleuse », a déclaré Joël Simon, directeur exécutif du CPJ. « Nous appelons les autorités à s’assurer que Mamadou Sinayoko réponde de cette violente attaque, qui marque une nouvelle baisse  dans l’état déjà déclinant de la liberté de la presse au Mali. »

Coulibaly a porté plainte pour coups et blessures, ont déclaré des journalistes locaux au CPJ. La Radio Kafo-Kan a déposé des charges similaires pour agression ainsi qu’une plainte pour violation de droits à l’encontre de l’homme politique, a affirmé Koné. Sinayoko a récusé cette version de l’attaque, affirmant qu’il s’agissait de légitime défense. Il a ensuite poursuivi le journaliste pour « injures et publications de fausses informations », selon l’Agence France-Presse.

L’agression a fait suite à une discussion entre Coulibaly et Sinayoko, à propos d’un reportage du journaliste sur les résultats préliminaires du second tour des élections parlementaires qui se tenaient le 22 juillet, selon Koné. Sinayoko a affronté Coulibaly lorsque ce dernier a défendu son reportage selon lequel les premiers résultats indiquaient la défaite du politicien. Finalement, Sinayoko, à la tête d’un parti rallié à la coalition du président Amadou Toumani Touré, a été provisoirement élu avec environ 52% des votes.

Egalement correspondant de la station privée Radio Klédu, basée à Bamako, Coulibaly avait en effet dans un premier temps rapporté que Sinayoko était donné perdant  par les sondages, et ce dans une émission en direct le jour des élections. Mais le journaliste a ensuite confirmé l’avance du politicien avec des résultats mis à jour, a déclaré le chef du service politique de Radio Klédu, Kassim Traoré, au CPJ. Traoré est également le secrétaire général de l’Organisation des Jeunes Reporters du Mali.

« Nous avons tout le temps des querelles avec les politiciens », a-t-il déclaré au CPJ. « Il y a des combats d’idées, mais jamais des combats de poings. Le fait que quelqu’un franchisse cette limite doit être condamné. » L’organisation et la Maison de la Presse, ont également publié des déclarations condamnant l’agression.  

Coulibaly est le second journaliste malien agressé par un homme politique depuis 2000. Le reporter Chahana Takiou du bihebdomadaire privé L’Indépendant a failli être étranglé par un membre de l’assemblée nationale en août de cette même année.

Cette année, les élections présidentielles et législatives au Mali se sont déroulées dans un niveau de répression de la presse sans précédent depuis 10 ans, alors que des responsables publics ont continué de régler des comptes avec les journalistes. Uniquement cette année, les autorités ont emprisonné cinq journalistes, les condamnant à de la prison avec sursis et à des amendes; ont inculpé deux autres pour diffamation criminelle pour avoir écrit un article critiquant un ministre du gouvernement; et ont fait expulser une station de radio privée.