SÉNÉGAL: la police empêche la médiatisation de violentes manifestations

New York, le 31 mars 2008–La police de la capitale sénégalaise, Dakar, a agressé un journaliste de télévision faisant un reportage en direct sur une violente manifestation contre le gouvernement dimanche dernier, selon les journalistes locaux et les médias. Elle a ensuite fait une descente à la station du journaliste et a saisi des cassettes d’images.

En effet, le reporter de Walf TV, Ousmane Mangane, a dit au CPJ que la police a fait usage de matraques électriques sur sa personne alors qu’il tentait d’interviewer une députée d’un parti d’opposition, Mously Diakhaté, en direct à la télévision. Le porte-parole de la police, Alioune Ndiaye, a déclaré que 24 arrestations ont étés faites dimanche après l’intervention de la police. La manifestation était l’initiative d’associations de consommateurs du Sénégal qui protestaient contre la hausse récente des prix de plusieurs produits de première nécessité.

Peu après 17h30 heures, heure locale, deux agents en civil de la Division des investigations criminelles (DIC) sont arrivés aux studios de Walf et ont ordonné à la station de leur remettre des copies de la vidéo des échauffourées, selon la directrice des programmes de Walf TV, Aïssatou Diop Fall. Les policiers n’ont donné aucune explication, mais ont indiqué que l’ordre venait du gouvernement, a dit Mme Fall.

La couverture exclusive en direct des affrontements entre la police et des manifestants par Walf TV était sans précédente au Sénégal, selon les journalistes locaux.

 « Ce n’est pas le rôle des forces de sécurité de patrouiller les ondes », a déclaré le Directeur exécutif du CPJ, Joël Simon. « Dans un état de droit, il est impensable de prendre d’assaut des salles de rédaction et de réclamer des cassettes d’images sans ordre juridique à l’appui. Nous demandons à la police de respecter la procédure régulière envers les medias », a-t-il ajouté.

Dans un entretien téléphonique avec le CPJ aujourd’hui, le porte-parole de la police, le colonel Ndiaye, dit ne pas savoir quelle autorité du gouvernement a autorisé la descente. Le service de police « n’est pas limité dans ses actions », a-t-il souligné.

La présidente du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), Nancy Ngom Ndiaye, a refusé aujourd’hui de faire tout commentaire par téléphone sur cette affaire. Mme Ngom, une magistrate de profession, est à la tête de ce Conseil de neuf membres qui sont tous nommés par le Président de la République. Le Conseil est l’organe officiel de régulation des médias au Sénégal, selon les recherches du CPJ.

Walf TV, qui fait partie du groupe de presse Walf, qui publie le grand journal indépendant du Sénégal, Wal Fadjri, est l’une des quatre chaînes de télévision privées de ce pays. Il convient de noter que la directrice des programmes de Walf TV, Mme Fall a déclaré que la descente de la police ne dissuadera pas la station dans ses reportages en direct à l’avenir.