Attaques contre la presse en 2009: Ouganda

Principaux développements
• Des reporters attaqués, harcelés au cours des troubles à Kampala.
• Les affaires pénales s’empilent pendant que la Cour suprême examine une contestation constitutionnelle.
Statistique clé
22: Chef d’accusations pénales en instance contre Andrew Mwenda, un journaliste politique de premier plan.

ATTAQUES CONTRE LA PRESSE EN 2009
Préface
Introduction
Analyse
Ethiopie
Gambie
Madagascar
Niger
Nigeria
Ouganda
RDC
Somalie
Zambie
Zimbabwe
En bref

De violentes manifestations ont éclaté à Kampala en septembre, lorsque les forces de sécurité ont empêché les dirigeants du royaume traditionnel des Baganda, le plus grand groupe ethnique de l’Ouganda, de se rendre au district de Kayunga pour un rassemblement prévu, selon des médias locaux. Le royaume du Buganda est le plus grand des royaumes traditionnels de l’Ouganda qui ont des rôles essentiellement culturels, mais restent politiquement influents. Plus de 25 personnes ont été tuées et 846 autres arrêtées en deux jours d’affrontements qui ont mis en exergue les tensions politiques entre le gouvernement et le royaume, selon des chiffres officiels rapportés dans la presse.

Le Réseau des droits humains pour les journalistes, une organisation locale de défense de la liberté de la presse, a déclaré qu’il a documenté plus de 20 cas dans lesquels des forces de sécurité et des émeutiers ont attaqué ou harcelé des journalistes, en particulier les photojournalistes. Dans un des cas, les agents de sécurité en civil ont malmené le journaliste de Nation TV Uganda, Tony Muwangala et l’ont forcé sous la menace d’une arme de supprimer des images prises pendant les émeutes, a dit le journaliste au CPJ. Le même jour, des troupes ont brièvement détenu sous la menace d’une arme une équipe de journalistes du quotidien Monitor, selon le journal.

Au cours des violences, des journalistes citoyens ougandais à Kampala et à travers le monde ont pris le relai des medias traditionnels, en disséminant des informations en temps réel sur le déroulement des affrontements, selon le bloggeur de Global Voices, Rebekah Heacock, qui est spécialisée en matière d’accès à l’information en Afrique orientale. « Dans les 24 heures de la première vague de violence, des bénévoles à Kampala ont lancé Uganda Witness, un site qui a publié 45 différents témoignages sous forme de messages SMS sur la violence en quatre jours, a écrit Mlle Heacock dans un billet sur le Blog du CPJ. En utilisant l’outil de microblogging Twitter, Solomon King, un développeur Web à Kampala, et le journaliste Tumwijuke Mutambuka ont posté des informations situant les lieux d’affrontements et d’arrestations de journalistes. Mlle Heacock a attribué l’ampleur de cette couverture en temps réel à «une disponibilité accrue de l’Internet et des téléphones mobiles connectés à l’Internet ».

Quelques heures seulement après les émeutes, les agents du Conseil ougandais de l’audiovisuel, contrôlé par l’État, souvent soutenus par des troupes, ont fait des descentes dans plusieurs stations de radio pour couper leurs signaux. Ainsi, Central Broadcasting Services (CBS), contrôlée par le royaume du Buganda, ainsi que la station en langue vernaculaire, Radio Two, qui est communément appelée Akaboozi, la Radio Sapientia contrôlée par l’Eglise catholique, et la radio commerciale et de jeunesse Ssubi FM ont été réduites au silence.

Dans un communiqué, le président du Conseil, Godfrey Mutabazi, a accusé les stations d’incitation à la violence et de violation des « normes minimales de l’audiovisuel ». Le Conseil a levé la suspension de Sapientia quelques jours plus tard et celle d’Akaboozi en novembre, mais a retiré les licences de deux stations de CBS et a indéfiniment interdit les émissions interactives populaires à la radio communément appelés «bimeeza», pour de prétendus insuffisances techniques. Six présentateurs ont également été frappés d’interdiction des ondes pour avoir prétendument transgressé des « normes minimales de l’audiovisuel».

Herbert Mukasa Lumansi, vice-président de l’Association des journalistes de l’Ouganda, a condamné la fermeture de ces stations, mais a souligné qu’il y avait «beaucoup de manque de professionnalisme parce que certaines stations de radio utilisaient des DJ ou des proches sans qualification pour animer des émissions». Les autorités ont exploité cette perception à des moments politiquement opportuns. En août, le président Yoweri Museveni a invectivé l’Association nationale des radiodiffuseurs de l’Ouganda, accusant les journalistes de faire des reportages contraire à l’éthique de leur profession. «La plupart du temps vous mentez et incitez », a-t-il dit, selon le quotidien d’État New Vision. «J’ai tant de preuves pour prouver tout cela » a-t-il martelé. L’administration a annoncé qu’il prendrait de «très sérieuses» mesures contre les médias considérés comme susceptibles d’inciter au mécontentement public à l’égard du gouvernement selon le quotidien.

Tandis que les stations de radio offraient des espaces d’expression libre, elles étaient en retard sur les journaux et la télévision en matière de couverture des affaires courantes, selon Rachel Mugarura Mutana, responsable du Réseau des radiodiffuseurs indépendantes de l’Ouganda. Selon Mme Mutana, les plus de 40 stations de radio en Ouganda, dont la majorité appartient à des personnalités politiques ayant des liens avec le pouvoir, produisent principalement des émissions musicales et religieuses en raison de contraintes financières.

Les journalistes de la presse écrite et de la télévision ont continué de subir les interrogatoires de police et les arrestations sur des accusations de diffamation, de sédition, et de «promotion du sectarisme», même si les juges de première instance ont suspendu la poursuite de tels cas, alors que la Cour suprême examine une contestation constitutionnelle a leurs sujets.

En effet, Andrew Mwenda, directeur de publication du magazine bimensuel The Independent et lauréat en 2008 du prix de la liberté de la presse du CPJ, et l’Institut des médias de l’Afrique de l’Est, estiment que les dispositions du code pénal sur la sédition, le sectarisme, la diffamation pénale, enfreignaient l’article 29 de la Constitution de l’Ouganda, qui garantit la liberté d’expression et la liberté de presse. L’affaire, d’abord introduite en 2002, était encore en instance à la fin de l’année dernière.

M. Mwenda, qui fait déjà face à 21 chefs d’accusation distincts en rapport avec une couverture contestataire datant des années où il était journaliste au quotidien Monitor et la station de radio KFM, a été à nouveau inculpé de sédition en septembre. Cette fois-ci, un magistrat l’a inculpé avec son rédacteur en chef, Charles Bichachi, pour une caricature qui a satirisé la décision du président Museveni de reconduire Badru Kiggundu comme président de la Commission électorale de l’Ouganda en vue du scrutin de 2011. Cette institution avait été fortement critiquée durant le scrutin présidentiel de 2006 pour des irrégularités alors qu’elle était sous la houlette de M. Kiggundu. Le procès a été suspendu indéfiniment en attendant l’issue de la contestation constitutionnelle, selon l’avocat de la défense, Bob Kasango.

Un autre éminent journaliste, Kalundi Robert Sserumaga, a été inculpé de six chefs d’accusation de sédition. Sserumaga, commentateur d’une émission de télévision hebdomadaire à la chaîne Wavah Broadcasting Services, a été emprisonné pendant trois jours après avoir critiqué sévèrement les politiques de M. Museveni, selon des journalistes locaux. L’animateur de l’émission, Peter Kibazo, a déclaré au CPJ que des agents de sécurité ont cueilli M. Sserumaga après l’émission le 11 septembre et l’ont jeté dans le coffre d’une voiture. Le journaliste Sserumaga a finalement été libéré sous caution, son procès aussi a été suspendu en attendant la contestation constitutionnelle, selon des journalistes locaux.

Le gouvernement a ciblé les journalistes du quotidien Monitor pour leur traitement de sujets sensibles. En janvier, le journal a cité des sources militaires anonymes critiquant la conduite par M. Museveni d’une opération internationale de sécurité contre Joseph Kony, le chef des rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur. Suite à l’article, le Département des délits de presse de la police ougandaise a interrogé à plusieurs reprises les journalistes Angelo Izama et Grace Matsiko sur la base d’accusations d’atteinte à la sécurité nationale. Ils n’ont pas été inculpés.

Plus tard, en août, le journal Monitor a publié un document présenté comme un mémorandum interne de la présidence sur une soit-disante nouvelle politique gouvernementale sur les droits fonciers et politiques au Bunyoro, un autre royaume traditionnel situé à l’ouest de l’Ouganda dans une région riche en pétrole. Kabakumba Matsiko, porte-parole du gouvernement n’a pas contesté le contenu du document, mais a accusé le journal de présenter le mémo « comme s’il s’agissait d’une décision définitive ». Le journal a publié une rectification peu après, reconnaissant certaines erreurs dans la reproduction du mémo, mais un magistrat a inculpé les journalistes David Kalinaki, gérant du journal et Henry Ochieng, rédacteur en chef du magazine Sunday de falsification, selon l’avocat de la défense, James Nangwala. L’affaire était encore en instance à la fin de l’année dernière.

Deux autres journalistes de Monitor ont été poursuivis pour leur couverture des affaires gouvernementales, selon des recherches du CPJ. En juillet, un magistrat a inculpé le photojournaliste Stephen Otage de « transgression ». Otage a été arrêté sur ordre de l’inspectrice générale du gouvernement, Faith Mwonda, après avoir pris des photos d’elle en dehors d’un palais de justice, selon des journalistes locaux. Un mois plus tard, un magistrat de la ville de Gulu, au nord, a inculpé de diffamation le reporter Moses Akena, pour un article qui a mis en cause des responsables locaux dans un scandale de détournement de matériel de construction destinés à des réfugiés, selon l’avocat de la défense, Judith Oroma. L’affaire Akena s’ajoutait à la longue liste des cas qui ont été en instance en attendant une décision de la Cour suprême sur la constitutionnalité des accusations.